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CROISSANCE ECONOMIQUE ET DÉVELOPPEMENT DURABLE

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D’après l’INSEE, la croissance économique de la France culmine au niveau zéro pour le premier trimestre 2014.  C’est le chiffre qui anime le monde des observateurs de l’économie hexagonale et européenne  ces dernières semaines. On a alors vu différents responsables politiques défiler dans les médias pour justifier ou dénoncer cette croissance nulle. La croissance est pour beaucoup un des mètres étalons permettant de juger de l’efficacité du pouvoir politique en place. Il faut dire que dans nos systèmes de société, la croissance économique n’est pas à prendre à la légère.  Bons nombres des actions et mesures  qu’elles soient sociales, économiques, financières et j’en passe sont faites pour à un moment ou un autre favoriser la croissance économique ou du moins, intègre cette dimension.

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La croissance économique c’est la variation de la production de biens et de services dans une économie sur une période donnée. l’indicateur le plus utilisé pour la mesurer est le produit intérieur brut ou PIB.1 « Larousse de l’économie édition 2000 »

Le raisonnement le plus simple (peu être simpliste)  autour de la chose veut que s’il y a croissance, il y a emploi, s’il y a  emploi il y a consommation, l’état peur alors engranger plus de recette, entreprendre plus de travaux et chantier visant à améliorer la vie de tous. Une sorte de cercle vertueux donc, vu de loin. Sauf que de près il ne s’agit pas d’un cercle mais d’une ligne ascendante  que l’économie est priée de gravir à l’infini au risque de ne pouvoir proposer que chômage, crise, austérité, pauvreté …

Dans la perspective d’un développement durable, on peut se poser la question de savoir s’il est cohérent de rechercher toujours plus de croissance économique dans un contexte de remise en question de nos modes de vie, nos systèmes de consommation au vu de  ses conséquences sociales et environnementales. Il est évident que chaque point de croissance gagné correspond à une évolution quasi mécanique du réchauffement climatique. nego_graph1

 

évolution tendancielle des émissions de CO2 en Europe de l’Ouest sur la base d’une croissance économique de 2% par an sans modification de la proportion respective des sources d’énergie. La courbe rouge représente les émissions de CO2, en millions de tonnes équivalents carbone (axe vertical de gauche), et le trait noir horizontal (à droite) la limite imposée par Kyoto. Source : Ministère de l’Industrie (France) –Observatoire de l’énergie

 LE TEMPS DES QUESTIONNEMENTS 

Peut-on concilier croissance et préoccupations environnementales ?  Devons nous envisager d’autres façons de concevoir le progrès économique, technique et social autrement qu’à travers le PIB ? Ou alors devons nous entamer le chemin inverse et se mettre à la décroissance ?

Ces trois questions donnent un écho aux trois courants de pensée qui coexistent chez les tenants du développement durable.  dans l’ouvrage « transition écologique, mode d’emploi »2 les auteurs désignent ces trois courants de pensées comme :

– LA CROISSANCE VERTE

– LA DÉCROISSANCE

– LA POST CROISSANCE

Les premiers pensent qu’il est possible de concilier croissance et développement durable, en se reposant sur des concepts par exemple d’économie circulaire, de forte stratégie de responsabilité sociétal des entreprises, d’éthique des affaires ou la dématérialisation de l’économie.

Les seconds seraient plus pour un retour progressif en arrière, de consommer moins et mieux, renoncer à tous ce dont nous n’avons pas besoin pas seulement au niveau individuel mais aussi collectif. Accepter  l’idée que rien n’est illimité, ni la biosphère, ni les ressources, ni la croissance et se tourner vers des préoccupations réellement essentielles.

Les troisièmes militent pour la solution intermédiaire consistant à favoriser les emplois et les activités à faible empreinte écologique, voir à empreinte écologique positive. Dans ce cas, la création d’emploi serait au rendez vous  étant donné que pour faire mieux il faudra forcément plus de bras. A cela, une organisation axée sur la qualité de vie éviterait que les  gains générés par ce système n’aillent alimenter une consommation polluante. Croissance et préservation de la planète pourraient ainsi aller de pair.

Il n’est pas anormal de se reconnaître un peu dans chacun de ces trois courants, ni de se rendre compte qu’ils recèlent des failles. Peut-on tout miser sur le progrès technique et les concepts innovants pour changer les choses sans passer par l’humain qui est au centre de ces questions ?  Passer d’une société qui dépend de la croissance à une société sans croissance ou en décroissance est ce envisageable sans grande transition ?  Les questions demeurent mais on peut aussi se demander si la solution ne réside pas dans ces trois conceptions appliquées au cas par cas selon les contextes, selon qu’on pose la question au niveau individuel ou collectif, dans une démarche d’entreprise ou d’instance public.

Les termes décarboniser l’économie, découpler croissance et énergie ou croissance et gaz à effets de serre apparaissent, les débats s’enflamment dans un contexte ou le charbon redevient la source d’énergie la plus utilisée3 où internet qui était présenté comme un énorme moyen de dématérialiser  l’économie n’en est finalement pas, parce que bonne partie des échanges qui y sont fait se traduisent par d’autres échangent physiques (commande sur internet, livraison physique, forte consommation d’énergie des centre de données etc..)

Autant de sujets ne laissent plus de doute sur le fait que la transition écologique devra aussi être  économique.

Ne reste plus qu’a choisir le modèle de cette « transition économique » d’autant que la problématique ne se limite pas aux pays riches. Les pays émergents et ceux en voie de développement sont aussi fortement concernés.  Mais leur préoccupation principale reste celle du rattrapage économique du retard qu’ils ont sur les pays riches et nul ne peut les blâmer pour cela. Dans cette perspective,  les préoccupations environnementales n’ont pas toujours droit de citer et les exigences occidentales en la matière parfois perçues comme des leçons égoïstes, venant pays qui ont pollué et polluent encore sans vergogne pour leur propre développement.

Pour concilier croissance économique et développement durable, si c’est le choix collectif qui est fait, il semble qu’il n’y ai pas de réponse générale, même s’il est  important de reconsidérer notre façon  concevoir le progrès, en intégrant par exemple une dimension soutenable dans le PIB. Tenir compte de la complexité des échanges qui constituent cette croissance économique dans un monde globalisé, pour permettre aux économies locales, régionales et mondiales de s’imbriquer.  Permettre à des développements endogènes d’occuper une vraie place dans nos systèmes de création de valeur.

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Source : Direction générale de l’énergie et des matières premières, « Les émissions de CO2 liées à la combustion d’énergie dans le monde en 2005 »Énergies et matières premières, novembre 2007.

 

ALLER PLUS LOIN 

Transition Écologique Mode d’Emploi – Philippe Fremeaux, Wojtek Kalinowski, Aurore Lalucq. Edition des petits matins.( 2)

conférence suren erkman doncteur en écologie industrielle (3) 

Chiffres clés du climat -Commissariat Général au Développement Durable 

Le PIB selon Joseph Stiglitz – vidéo YouTube en anglais 

RURALITÉ ET DÉVELOPPEMENT DURABLE

Ruralité, voila un mot qui n’est pas courant dans nos discussions ou dans nos débats au quotidien. Nous, citadins, avons même tendance à considérer cette dernière avec condescendance mais que savons nous de la ruralité ?

QU’EST-CE QUE LA RURALITÉ ?

On peut définir la ruralité comme un terme faisant référence au monde rural, la vie de la campagne et la paysannerie. La ruralité aborde les modes de fonctionnement et de vie dans les territoires éloignés géographiquement des centres urbains.

EVOLUTION DE LA RURALITÉ

Jusqu’au milieu du 19e siècle, le terme le plus courant était « PAYSANNERIE », il désignait les habitants de la campagne vivant essentiellement d’agriculture et d’artisanat  de subsistance.

Avec le développement de l’industrie, des grands centres urbains et du salariat,  les modes de vie  des campagnes ce sont transformés. Certains paysans sont passés d’une agriculture de subsistance à l’agriculture mécanisée, d’autres sont devenus salariés des entreprises ou industries installées à proximité de leurs lieux de résidence, d’autres encore  de petits commerçants.

Ces changements ont considérablement modifié le paysage des campagnes en France et dans le monde,  pour faire émerger  le terme de ruralité.

Au-delà de ces considérations, la ruralité appelle à  la notion  d’attachement des populations à leur territoire et à leur terroir.

LA RURALITÉ AUJOURD’HUI

Le moins qu’on puisse dire c’est que la ruralité essuie bien des déboires, la mondialisation et les mutations citée plus haut aidants, l’espace rural est devenu le théâtre des contradictions et perversions générées par nos sociétés.

En 2007, 50% de la population mondiale vivait en zone urbaine et chaque jour, c’est 1 millions de personnes qui viennent grossir les villes. Parallèlement, tous les deux jours en France, une exploitation agricole cesse son activité du fait de suicide ou de dépôt de bilan.

Pour ceux qui restent et continuent de vivre dans ces zones par choix ou non, c’est le parcours du combattant au quotidien. Ils sont complètement à l’écart des avantages qu’apporte le dynamisme des grands centres urbains tels que, les  Systèmes de transport performants, la proximité des services de santé, l’accès à l’emploi , à la culture et au divertissement etc.

De plus, avec la mécanisation et l’utilisation massive de pesticides, d’engrais chimiques dans les exploitations agricoles, le milieu rural est l’un des plus touchés par la pollution des sols, des eaux et de l’air (voir Bretagne). On se retrouve avec des sols appauvris, incapables de fournir des rendements qui permettaient au 19e  à la France de nourrir sans besoin d’apport externe énorme, ses 40 millions d’habitants.

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Ces phénomènes sont encore plus criants dans les pays émergeants ou les pays pauvres car l’exode rural  entraine la ghettoïsation des périphéries des villes ou la paupérisation de zones entières.

Des individus qui jadis étaient autosuffisants d’un point de vue alimentaire et  participaient même à nourrir leurs concitoyens par leur travail de paysan,  deviennent par ces bouleversements des bouches à nourrir. ils comptent  sur des denrées venant de toujours plus loin, les rendant   toujours plus dépendants de l’agro industrie.

Rien de surprenant alors que les OGM et autres systèmes aberrants deviennent des solutions sérieuses pour nourrir la planète, ou que la famine soit encore d’actualité en Inde, au Kenya, au Soudan etc..

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LES ENJEUX DE LA RURALITÉ

Que ce soit au niveau national ou au niveau européen et mondial, la ruralité doit relever de nombreux défis pour s’intégrer dans un développement durable. Ces défis prennent forme sous les termes de :

protection du milieu naturel,  Conservation du  patrimoine et/ou du terroir,  démocratie local, décentralisation, politique agricole commune etc..

Ce qui est sur c’est que l’espace rural devra être autre chose que simplement le contraire de la ville, parce que l’une ne va pas sans l’autre. Le déploiement d’un développement urbain durable ne peut s’envisager sans une politique de développement local forte.

DES BONNES NOUVELLES

L’essor récent des mobilités résidentielles, l’engouement pour le bio et la vie dans les espaces moins confinés semblent bénéficier aux espaces ruraux. On estime à plus de  19 million le nombre de français qui ont changé de domicile entre  2005 et 2011; Bon nombre de ces changements se font entre deux communes voisines, mais le nombre de français qui passent d’une commune urbaine à une commune rurale croit sensiblement.

Pour conserver cette dynamique, l’espace rural devra compter sur une économie locale forte, des moyens de mobilité performants,  le maintien des services publics de proximité et des systèmes agricoles plus respectueux de l’environnement.

L’union européenne et l’état à mettent  en place des dispositifs sensés encourager les choses dans ce sens.

Le FEADER (Fond Européen Agricole pour le Développement Rural) en  est une illustration  au niveau communautaire et le GAL (Groupe Action Local) une déclinaison locale.

COMMENT AGIR AU NIVEAU INDIVIDUEL ?

La ruralité n’est pas figée, elle est propre à chaque territoire et même si les problèmes semblent être les mêmes, les solutions ne sont pas toujours interchangeables.

Pour un citoyen ordinaire, le moyen le plus simple pour agir en faveur de la ruralité est de soutenir l’économie locale. Cela est possible en souscrivant aux AMAP, en privilégiant les producteurs locaux, l’utilisation des monnaies locales là ou elles existent.

L’autre moyen d’agir est bien sur de militer, de contribuer aux actions qui concourent à rendre les solutions possibles, que ce soit dans des associations, politiquement, ou dans les administrations.

La question de la ruralité montre encore une fois que le développement durable touche à des aspects très divers de nos vies et que les solutions commencent au niveau individuel et local.

1- Source INSEE

 

POUR ALLER  PLUS LOIN : 

Les Nouvelles Ruralités – Gérard Fayolle édition Sud Ouest (2001)

publication de Bernard Wolfer chercheur à L’INRA Sens.(juin 2005)

RéseauRural.fr (organe central des GAL) 

. »La Revue » : Magazine semestriel sur le monde rural