LES DESSOUS DE VOTRE LABEL BIO

Le marché du bio a quadruplé, pour représenter aujourd’hui une manne de 4 milliards d’euro. En matière de démarche écologique, nous avons décidé d’investir massivement dans l’alimentation et les produits de consommation courante. Grâce à cette croissance, on voit arriver de nouveaux acteurs sur le marché. Mais un aspect des produits estampillés Bio reste très discret, quasiment opaque.

mix logo

Il s’agit des organismes de labélisation. Ceux qui accordent aux agriculteurs, éleveurs, transformateurs de produits, le droit d’apposer sur leur étiquette le fameux sigle  « AB », permettant de repérer un produit Bio.

Le sigle AB n’est d’ailleurs pas le seul. On trouve également des mentions comme « Déméter »  « Bio cohérence » « Cosmébio » « nature et progrès »  etc… Nous nous basons sur ces petits sigles sur les emballages, pour acheter des produits un peu plus en accord avec nos valeurs et souvent un peu plus chers aussi. Il s’agit donc d’une immense confiance faite à ces organismes dont on ne sait presque rien. Faisons un panorama des quatre principales structures qui éclairent par ce biais, nos choix de consommation.

ORGANISMES DE CERTIFICATION ET LABELS

LOGO-CERTIFICATIONS-e1400166379853

Ce qu’il faut savoir c’est que le label AB, s’appuie sur une charte, qui a été élaborée par le ministère de l’environnement, puis l’union Européenne, et continue à être affinée avec le temps. Ceux qui respectent cette charte sont susceptibles d’obtenir le label AB. Mais l’état a confié l’évaluation, le contrôle et la certification des candidats, à des organismes de certification.

Les organismes de certification sont eux-mêmes chapeautés par des organismes de l’état, que sont l’INAO et le Cofrac.

Aujourd’hui, pour ce qui est de l’agriculture biologique et le label AB, neuf organismes de certification ont l’accréditation pour le contrôle la labélisation. Vous trouverez la liste en cliquant sur le lien ICI.

ECOCERT LE GÉANT MONDIAL DE LA CERTIFICATION

logo ecocert

65% des contrôles et certifications AB en France est réalisé par une seule société, ECOCERT.  C’est une entreprise privée, qui a fait de cette activité un business plutôt lucratif. Ecocert est assez discrète, mais elle est quand même à l’origine de la certification de plus d’un produit bio  sur deux que nous trouvons dans le commerce. En plus des produits alimentaires, Ecocert certifie également des produits de beauté sous le label cosmébio, des textiles, et même des produits ménagers.

C’est une entreprise qui emploie plus de 800 personnes et a réalisé un chiffre d’affaire de de 14 millions d’euros en 2013. Ce sont en tout cinq filiales,  toutes réunis sous une holding, dirigée par une même famille. Évidemment, au vu de cette expansion, on se pose la question sur l’impartialité de l’entreprise et les risques de faire primer les aspects financiers sur sa mission principale.

75-des-techniciens-animateurs-et-agents-de-maitrise-de-lentreprise-etaient-en-greve-mardi

source image : sudouest.fr

ECOCERT qui a pour slogan « Au service de l’homme et de l’environnement » fait face régulièrement à des conflits sociaux avec ses salariés. C’était le cas en 2013, puis trois ans plus tard en 2015, pour ne citer que ceux qui ont eu un retentissement dans les médias. Les salariés se plaignent régulièrement des bas salaires, du manque de perspectives d’évolution et des conditions de travail.

Pour une entreprise qui est au service de l’homme et de l’environnement, l’exemplarité sur ces questions devrait être un requis de base.

On peut objectivement se demander s’il n’est pas dangereux pour l’intérêt général, de confier une mission aussi sensible que la certification de produits biologiques à une entreprise ordinaire, lancée comme toutes les autres dans la course au profit tout azimut. L’entreprise affirme malgré les difficultés sociales et une organisation toujours calquée sur l’économie ultra libérale, être capable de maintenir une forte conscience éthique, tout en prospérant à toutes vitesse dans les affaires.

On peut en douter, quand on sait que toutes les entreprises qui ont fait cette promesse, l’ont toujours trahis.

BIO COHÉRENCE : Le groupe de paysans  qui veut aller plus loin

38266 (2)

Suite à l’alignement de la charte de l’agriculture biologique Française sur la charte Européenne fin des années 2000, le cahier des charges du label AB est devenu beaucoup moins strict. Contrairement à ce qui se faisait avant, on peut par exemple retrouver aujourd’hui jusqu’à 5% de pesticides chimiques et/ou de synthèse dans un produit Bio, ainsi que  0.9% d’OGM. certains acteurs du secteur, fervent militants d’une agriculture Bio qui ne fait pas de concession à l’agro chimie et l’agro-industrie ont alors refusé de niveler les choses vers le bas, ils ont décidé de créer un label associatif, ce qui a donné BIO COHÉRENCE.

produitsBC

Le logo bio cohérence figure généralement à coté du logo AB. Il suppose qu’en plus de la charte AB, une liste d’exigence vient se rajouter, pour garder le niveau d’exigence d’avant le nivellement Européen voir plus. L’une des exigences du label « Bio Cohérence » est l’interdiction de vendre à  la grande distribution. Vous ne trouverez donc pas les produits avec cette estampille dans un magasin des grandes chaines de la distribution alimentaire. Ils se trouvent dans les petites épiceries, ou les magasins spécialisés dans l’alimentation Bio.

BIO COHÉRENCE est une marque collective, portée par les membres de l’association, c’est-à-dire les producteurs et tous les acteurs qui se plient à la charte. La notion de marque collective est légalement codifiée par L’INPI comme « une démarche qui cherche à garantir une certaine qualité au consommateur ». Derrière Bio Cohérence, Concrètement, il n’y a  pas d’individualité affichée, pas d’entreprise avec pour but de faire des profits. Ce sont les acteurs eux-mêmes qui s’inscrivent dans une démarche progressiste, par rapport à la charte européenne. Chaque acteur souscrivant à la charte Bio Cohérence est audité et contrôlé par un des organismes accrédité par l’état, sur la base des chartes AB et Bio Cohérence.

 

DÉMÉTER – Label du Bio et de l’exotérisme.

demeterlogo

On connait Déméter, la déesse grecque de l’agriculture et des moissons, qui a appris aux hommes a faire des semis et des récoltes. On connait moins le label Déméter, qui s’appuie sur les principes de l’agriculture biodynamique. On trouve les produits Déméter surtout dans les magasins spécialisés Bio.

De la Biodynamie au Label Déméter

La Biodynamie est un système de production agricole. C’est une des dimensions d’un système de pensée née dans les années 20, appelée anthroposophie. Rudolf Steiner, le fondateur, pensait que l’agriculture conventionnelle et la chimie se limitent à une vision trop restreinte de l’univers. Selon lui, il faut tenir compte dans la production agricole,  de la force cosmique et du cycle astrologiques. De cela, découle tout un ensemble de pratiques constituant le cahier des charges à respecter pour se voir accorder le Label Déméter.

L’organisation Déméter

Déméter c’est d’abord une association internationale qui a son siège en Allemagne. Cette association gère et coordonne les activités et la marque adossée à l’agriculture Biodynamique dans le monde. On retrouve des représentations de l’association dans 53 pays, dont la France. La filiale Française à son Siège à Colmar en Alsace et emploie 7 personnes qui s’occupent de structurer et garantir le respect du cahier des charges Déméter, du champ à l’assiette. A la base de ce Cahier des charges, il y a d’abord les exigences du label Européen AB, auxquels vient se rajouter les exigences du cahier des charges Déméter.   Pour obtenir une certification, chaque acteur doit se soumettre aux contrôles des organismes de certification pour le label AB, ainsi qu’a ceux des contrôleurs spécifiques de l’association Déméter. Comme toutes les autres certifications, elle est valable une année, renouvelable.

Critiques

La Biodynamie fait l’objet de vives critiques quant à la philosophie qui la sous-tend, ainsi que certaines des pratiques, jugées sectaires, voire de l’ordre du chamanisme ou de la pratique occulte.

Il y aurait dans les préceptes du père fondateur de cette pratique, des démarches qui s’éloigneraient de la rationalité scientifique, reposant bien souvent seulement sur l’intuition. Il s’avère que Rudolf Steiner qui a mis en place la Biodynamie, n’as jamais été lui-même agriculteur. Mais les études menée sur le système Biodynamique par des scientifiques, montrent que les résultats sont sensiblement les mêmes que pour une agriculture biologique exigeante et scientifiquement cohérente. Ce qui est sûre, c’est qu’en achetant un produit Déméter, on risque bien moins qu’en achetant un produit de l’agriculture conventionnelle.

NATURE ET PROGRÈS –Label a démarche participative

logosimple

Nature et progrès est l’une des  organisations pionnières de l’agriculture biologique et la lutte contre l’agro-industrie en France.  Elle regroupe artisans transformateurs, producteurs agriculteurs et consommateurs. Le slogan de base de l’association est « respecter la nature sans refuser le progrès ».

Nature et progrès a toujours eu une conception collective et participative de l’agriculture biologique. Insistant, pour que du  producteur au consommateur, chaque acteur prenne sa part de responsabilité et ai son mot à dire. En 1993, le groupement crée la marque collective Nature et Progrès, qui garantit le respect de sa charte. Dès lors, il à prit une place de choix  dans le paysage des labels de l’agriculture biologique.

En 1995, Nature et Progrès s’oppose au  projet de la charte de l’agriculture biologique AB porté par l’état, et appelle à son boycott. L’association dénonçait notamment le fait de confier la certification à des entreprises privés, et le cout de cette certification pour les producteurs. On leur donnerait presque raison aujourd’hui, au vu de la tournure que prennent les choses.

Le label Nature et progrès est la seule certification des quatre que nous citons ici, qui ne comprend pas au préalable  la certification AB. On trouve les produits estampillés de ce label essentiellement dans les magasins de producteurs, certaines AMAP,  sur internet et quelques chaines spécialisées dans le Bio.

IMG_nature et progres (2)

POUR PLUS DE TRANSPARENCE ET D’IMPARTIALITÉ

Au terme de ce petit tour des organisations qui  gèrent l’orchestration de ce que nous achetons comme  produits biologique et à qui nous faisons aveuglement confiance, on peut dire que les systèmes les plus vertueux ne sont pas ceux qui occupent le plus de place.

En effet, on pourrait s’attendre à ce que l’organisme qui certifie la majeure partie de nos produit biologiques, ne soit tenu par aucune autre contrainte majeure que celle de son équilibre financier et  du service à la collectivité. On découvre qu’elle est une entreprise qui tangue de plus en plus vers la multinationale et ses travers.

On pourrait s’attendre à ce que les premiers concernés, c’est-à-dire les agriculteurs, les producteurs et même les consommateurs  soient plus impliqués dans le système. malheureusement  les organismes qui adoptent cette posture sont largement minoritaires.

Enfin, on pourrait Imaginer que vu la sensibilité du sujet, la tâche d’octroyer un certificat Bio soit gérée  par un service de l’état dédié.

Quoi qu’il en soit, le citoyen doit garder à l’esprit  qu’avant le logo sur son produit, il y’a un cahier des charges,  des exigences et des contrôles. En fonction du logo, les exigences sont plus ou moins poussées. le logo AB est le minimum qui se fait dans le domaine, mais on peut décider d’aller plus loin, en plébiscitant par exemple ceux que nous avons cité ici. C’est aussi  le moyen pour le consommateur de ne pas se faire flouer par les faux labels qui ne cessent de croitre.

Nous devons exiger de l’exemplarité et de l’impartialité de la part des organismes certificateurs. C’est seulement à ce prix qu’on pourra pousser le système vers une amélioration continue et éviter de sombrer dans des contradictions.

Pour aller plus loin :

Le site Eco sapiens a fait une enquête sur tout les label écologiques dont les Bio

Article du journal « politis » sur Ecocert

Enquête « que choisir » sur l’ensemble des labels alimentaires en France

À propos de développeur-durable

Le billetDD se donne deux ambitions principales : -Vulgariser les principes qui sous tendent un modèle de société plus écologique, sur le plan social, économique et environnemental. -Mettre en avant toutes initiatives ou actions concrètes qui illustrent ses principes.

Publié le février 1, 2018, dans - Introduction au développement durable, Ecologie, Economie, et tagué , , , , , , , , , , , , , , , , . Bookmarquez ce permalien. Poster un commentaire.

Laisser un commentaire