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LA FINANCE ET L’EPARGNE SOLIDAIRE, OU COMMENT DONNER DU SENS A SON ARGENT

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Pour clôturer en beauté le mois de l’économie solidaire et l’année par la même occasion, parlons d’un sujet qui en cette période est probablement un peu plus d’actualité.

Parlons d’épargne,  parlons de finance, mais d’épargne et de finance solidaire.

La fin d’année est souvent la période où les travailleurs reçoivent de quoi entretenir leur bas de laine.

Prime de fin d’année, treizième  mois, dividendes et autres retours sur investissements sont l’occasion d’épargner, de se constituer ou d’entretenir un patrimoine.

Et cela peut aussi être l’occasion d’épargner autrement, de donner du sens à son argent.

FINANCE SOLIDAIRE ?

La finance solidaire désigne le fait d’appliquer au secteur financier, les principes  et les méthodes de l’économie sociale et solidaire. Elle se positionne par opposition à la finance spéculative, puisqu’elle porte l’ambition de s’inscrire toujours, dans la réalité et le concret.

La finance repose en grande partie sur l’épargne et le crédit ; on la définit d’ailleurs comme  « les méthodes et les institutions qui permettent d’obtenir les capitaux nécessaires dont on ne dispose pas et de placer ceux dont on a la disposition sans emploi immédiat ou que l’on compte utiliser plus tard »1.

La finance solidaire ne déroge pas à cette règle, sauf qu’il s’agit de gérer l’épargne et le crédit, pour financer l’économie réelle, des entreprises et des projets à portée sociale et solidaire pour la plupart, en respectant certaines règles d’éthique et de gouvernance.

Il est beaucoup question dans le débat public de « made in France »,  de circuits courts et de soutien à l’économie locale, hors ces questions sont très marginales dans les préoccupations de l’économie financiarisée.

Ce n’est pas à Wall Street ou à la Bourse de Paris qu’on se préoccupe de la PME qui souhaite trouver des financements pour une nouvelle machine à ensacher ou à étiqueter. Le projet de lancement d’une petite entreprise de nettoyage avec des solutions bio dégradables et des employés en insertion séduit très rarement les banques classiques

C’est là que se propose d’intervenir la finance solidaire. En somme, la finance solidaire finance l’économie sociale et solidaire de la même façon que la finance classique finance l’économie classique.

FINANCE ETHIQUE /FINANCE SOLIDAIRE MÊME COMBAT ?

La finance solidaire n’est pas la finance éthique, même si les deux peuvent parfois se compléter.

La finance éthique, c’est le fait d’appliquer aux rouages de la finance notamment de marché,  quelques principes éthiques.  Vous avez des fonds éthiques axés sur l’engagement social des entreprises qui la constituent.  C’est-à-dire que les entreprises s’engagent  à faire attention aux conditions de travail dans les pays où elles ont leurs activités, à œuvrer pour l’insertion de de travailleurs handicapés, pour la diversité etc…  D’autres, sont axés sur le respect de l’environnement  et s’engage par exemple à ne pas contribuer à la déforestation, à la disparition d’espèces protégées etc.

On peut alors se retrouver dans un fond éthique très engagé sur un aspect mais complètement inactif sur un autre, ce qui rend la démarche louable mais incomplète.

Concrètement, Vous pouvez en souscrivant à un fond éthique vous retrouver à financer une entreprise qui a des pratiques environnementales très limites, mais  est présente dans un fond éthique parce que exemplaire sur des questions sociales.

Par exemple, au début de l’année 2014, on apprenait que la société TOTAL faisait partie d’un des plus grands fonds souverain « éthique » du monde, le fond souverain norvégien.  Or cette entreprise à des  pratiques  critiquées sur plusieurs dossiers en cours, notamment dans le Sahara occidental2

Il existe aussi dans la finance éthique ce qu’on appelle les fonds 90/10 ou l’argent est investi à 90% sur des fonds de la finance classique, et à 10% sur des fonds dits éthiques.

Il faut comprendre ces nuances et faire attention lorsqu’on s’adresse à la finance éthique.

COMMENT Y VOIR CLAIR ?

Pour pouvoir faire son choix en toute sérénité sans être obligé de mener des enquêtes longues et fastidieuses,  les acteur de la finance solidaire se sont rassemblés pour créer un label : FINANSOL.finansol

Ce label a été créé en 1997 pour « distinguer les produits d’épargne solidaire des autres produits d’épargne auprès du grand public. Par conséquent, il se limite à ce périmètre et ne labellise en aucun cas une association, une entreprise ou un établissement financier dans son ensemble ».3

Il est attribué à des solutions d’épargnes qui remplissent des critères avérés et stricts que vous pourrez retrouver sur le site www.finansol.org.

L’EPARGNE SOLIDAIRE ?

Idéalement, l’argent que nous épargnons dans une banque quelconque doit permettre de financer l’économie réelle, créer des emplois, contribuer à la réalisation de projets innovants et nous accorder une rétribution pour avoir mis à disposition nos ressources inutilisées.

Après la crise de 2010, nous nous sommes tous rendu compte que la voie que prend notre épargne ne correspond pas toujours à l’idée que l’on s’en fait.

Vous pouvez être très engagé pour la justice sociale, la solidarité internationale, la protection de l’environnement et en même temps desservir ces causes par votre épargne qui va financer ce contre quoi vous vous indignez en tant que militant.

C’est de ce constat, entre autre, que naît  l’idée de l’épargne solidaire.  C’est avant tout la volonté d’être utile, par son épargne, à la communauté, ou de soutenir une cause qui nous tient à cœur.

Il peut donc s’agir comme on l’a dit plus tôt de soutenir l’économie locale en injectant des ressources dans des projets à forte portée sociale ou créateurs  d’emplois.

On peut soutenir une ONG ou une association en partageant avec elle la rémunération d’une épargne.

Ou alors, contribuer à la solidarité internationale en mettant une partie de son argent à disposition des organismes financeurs de projets dans les pays du Sud.

L’épargne solidaire comme l’épargne classique peut rapporter des intérêts,  mais, il faut le dire,  dans l’épargne solidaire, ils sont nettement moins rentables, car ce n’est pas la motivation première. Parfois ce n’est même pas du tout une motivation puisque certains montages d’épargne solidaire ont une rentabilité financière nulle.

QUELS OUTILS POUR L’EPARGNE SOLIDAIRE ?

Selon la destination qu’on souhaite donner à son épargne, il existe de nombreuses façons de procéder.  Dans le cadre du financement de petits projets entrepreneuriaux à portée sociales, environnementales, solidaires ou culturelles, il existe par exemple des CIGALES ou des sites de financement participatifs en ligne.

Une CIGALE ?cigales_logo-txt

Une CIGALE ou « Club d’Investisseurs pour une Gestion Alternative et Locale de l’Epargne Solidaire ». Il s’agit d’un club d’investisseurs qui réunit ses membres plusieurs fois par an, collecte leurs cotisations pour former une cagnotte collective, et investit dans de petites entreprises en création ou encore jeunes.

Les CIGALES sont donc essentiellement des structures de collecte d’épargne de proximité pour des usages locaux. Elles répondent à des principes de gouvernances strictes, soumis à une démocratie participative et à la charte des CIGALES. Légalement, ses statuts sont déposés à l’hôtel des finances  de son lieu de création.  Un gérant anime et administre la vie de la CIGALE qui se positionne en véritable partenaire des structures soutenues.

Parfois en plus de ce soutien financier, des membres de la CIGALE, cadres en fonction ou à la retraite, chefs d’entreprises, peuvent apporter un soutien stratégique ou logistique aux porteurs de projets.

Le montant de la cotisation dans une CIGALE est très variable : cela peut aller de 20€ par mois à près de 500€.

Si la formule d’épargne solidaire via une CIGALE vous intéresse, rendez-vous sur : www.asso.cigales.fr. Vous y trouverez sûrement l’adresse d’une CIGALE de votre région.

La demande accrue de fonds par les porteurs de projets a poussé à la création en 1985 de  GARRIGUES, afin de compléter les dispositifs locaux que sont les CIGALES et pouvoir financer des projets plus conséquents.  C’est une société dite de « capital risque », la première dans le domaine de l’économie alternative et solidaire. Ses statuts sont disponibles sur sa page Web : www.garrigue.net.

On peut alors y mettre à disposition ses économies, qui vont aller financer des projets non plus seulement à portée locale, mais nationale, et dans les domaines de son choix :

Énergies et environnement
Commerce équitable
Produits et magasins bio
Insertion et développement local

INTERETS ?

Avec les CIGALES, la taille et la jeunesse des entreprises soutenues ne leurs permettent généralement pas de verser des dividendes ; GARRIGUE par contre peut rémunérer  ses sociétaires.  Les projets sont évalués d’après leur utilité sociale et leur viabilité financière.

DES EXEMPLES DE PROJETS PORTES PAR CIGALE ET /OU GARRIGUE

BIOCOOP (Magasins de produits biologiques)

ENERCOOOP (Distributeur d’énergie verte)

ARDELIANE (entreprise ardéchoise spécialisée dans la revalorisation de la laine)

LES PRODUITS BANCAIRES SOLIDAIRES : Fonds  de partage, Fonds commun de placement solidaires, Epargne d’entreprise sur des valeurs solidaires…

Les banques ne sont pas en reste pour ce qui est de l’offre de solutions d’épargne solidaire.

La France est même l’un des pays précurseurs dans le domaine, avec des initiatives et des réglementations favorisant  l’émergence d’acteurs et de solutions.

La banque pionnière dans l’épargne solidaire est le crédit coopératif, qui a mis en place le premier fond de partage; d’autres banques par la suite lui ont emboîté le pas.

QU’EST-CE QU’UN FOND DE PARTAGE ?

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Un Fond de partage, c’est un placement dont vous pouvez partager les intérêts avec une association ou une ONG de votre choix. Ces associations ou ONG peuvent être des structures qui financent des projets dans divers domaines comme la solidarité internationale, l’innovation, les modes de vie et de consommation écologiques et responsables, la création d’emploi et la lutte contre l’exclusion…

Le Crédit Coopératif reste le meilleur pourvoyeur de Fond de partage en France, mais  beaucoup de banques classiques s’y sont mises. En vous adressant à votre banquier, il est possible qu’il y ait dans son portefeuille un fond de partage auquel vous pourrez souscrire.

LES FONDS COMMUNS DE PLACEMENT ENTREPRISES DITS « SOLIDAIRES »

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Les entreprises mettent souvent en place pour leurs salariés, des Plan d’épargne entreprise (PEE).

Ce dispositif peut être mis en place de façon collégiale ou unilatérale, il permet au salarié de faire des versements volontaires que l’entreprise peut abonder (si vous versez 50€, votre entreprise y rajoute 50 par exemple). Cela peut aussi concerner les primes d’intéressement ou de participation, placées sur un compte d’épargne entreprise.

Toutes ces sommes vont le plus souvent alimenter des fonds commun de placement entreprises. C’est-à-dire qu’elles sont investies  dans des valeurs financières qui vont leur permettre de produire des intérêts.

Vous pouvez faire le choix d’orienter votre épargne entreprise, votre intéressement ou votre prime de participation vers un fond de placement solidaire.  Les établissements qui gèrent les fonds commun de placement entreprises vous en proposent toujours plusieurs, vous pouvez les solliciter pour qu’ils vous proposent des fonds estampillés solidaires.

Les dispositions de la loi de modernisation de l’économie du 4 Août 2008 rendent obligatoire la proposition d’un fonds commun de placement d’entreprises solidaires (FCPES), à compter du 1er janvier 2010.
Toute entreprise détenant un Plan d’Epargne Entreprise (PEE), un Plan d’Epargne Retraite Collective (PERCO) ou un Plan d’Epargne Interentreprises (PEI) est dans l’obligation de proposer au moins un FCPES.4

Les FCPES doivent investir 5 à 10 % de leurs capitaux dans les « entreprises solidaires » agréées.

COMMENT FAIRE SON CHOIX ?

On peut vite se noyer dans la nébuleuse des Fonds de placements, des plans épargnes retraites complémentaires et autres plans d’épargnes interentreprises. Heureusement, des acteurs de la finance solidaire comme «  FINANSOL » ou  « Épargne en Conscience » ont fait un excellent travail pour répertorier un bon nombre de produits d’épargnes solidaires et leurs contenus pour vous permettre de faire votre choix. De plus le label FINANSOL, comme on l’a vu précédemment  est un vrai gage de qualité.

Pour plus d’infos sur les différents produits d’épargnes solidaires, allez sur :

www.epargne-en-conscience.fr

Ou sur

www.finansol.org   à la rubrique « produits labélisés ».

QUELS AVANTAGES ?

Que ce soit pour les fonds de partages ou les fonds de placements entrepris, l’avantage pour l’épargnant est que son placement est rémunéré. Les taux varient en fonction des banques, les sommes placées, et  leur durée d’immobilisation.

Dans un second temps, les fonds de partages sont soumis à une fiscalité avantageuse. En effet, la partie des intérêts que l’on donne à une association ou à une ONG donne le droit à une déduction d’impôts de 60 à 75% de la somme versée. C’est la loi TEPA sur la fiscalité du don qui s’applique.

Si un placement sur un fond de partage vous rapporte 200€, vous avez décidé de donner 100€  à une association ou ONG, vous pourrez payer jusqu’à 75€ d’impôts en moins cette année-là,  dans la limite de 20% du montant total de votre impôt sur le revenu. Si les sommes données sont supérieures à 20% de la totalité de votre impôt, vous pourrez étaler la déduction sur les deux années fiscales suivantes.

Les fonds communs de placements  entreprises solidaires sont soumis à la même fiscalité que les autres.

MICRO FINANCE ET LE FINANCEMENT PARTICIPATIF

Avec l’explosion du web 2.0 et la création des premières institutions de micro crédits par Muhammad Yunus, via la désormais célèbre Gramen Bank, les démarches de financement participatif  ont vu le jour sur la toiles. Des sites proposent désormais  à l’épargnant solidaire de soutenir des projets à côté de chez lui ou à l’autre bout du monde.

Aujourd’hui, plusieurs sites internet de financement participatif et de micro crédits coexistent. Ils offrent pour la plupart les mêmes services avec quelques nuances. Certains proposent de rémunérer votre investissement, d’autres non. Certains sont tournés vers l’international, d’autres plus sur le territoire national voir local ; d’autres encore sont présents sur tous les fronts.

Ils financent des projets d’entreprises, des projets culturels, des initiatives citoyennes, la lutte contre la pauvreté ou l’aide à la création d’activité génératrice de revenus dans les pays du Sud.

Le tout premier site de micro crédit en ligne a vu le jour aux USA en 2004, http://www.kiva.org. En France, c’est http://www.zebu.net qui a été le premier en 2001. Ce site propose de placer de l’argent qui va permettre d’acheter une bête pour un paysan au Vietnam, au Niger ou en Mauritanie.  Le paysan rembourse par les revenus tirés de son exploitation et soit vous réinjectez l’argent dans l’achat d’une autre bête, soit vous recouvrez votre épargne. Ce placement donne droit à une déduction d’impôt semblable à celui du don.

Le site http://www.babyloan.org  ouvert en 2008 et est le plus important de ce genre en France. Il propose aux  internautes de confier une partie de leur épargne pour financer des projets en France, en Europe et dans le monde entier. Les sommes minimum que l’on peut placer sont  de 20€ payable en carte bleu. Les taux de remboursements sont très satisfaisants, avec par exemple 97% pour Kiva l’américain et quasi 100% pour BABYLOAN  le français. On peut donc prêter son argent sur ces sites et dormir sur ses deux oreilles.

Ce type de placement est réservé à l’internaute militant qui n’attend pas forcément une rémunération. Puis, les sommes prêtées sont relativement modestes. Sur BABYLOAN par  exemple, le crédit moyen demandé est de 1500€.

LES ETABLISSEMENTS BANQUAIRES SOLIDAIRES

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En matière de finance et d’épargne solidaire,  le crédit coopératif est certainement  l’établissement le plus innovant. En plus d’être pionnier, le « Crédit  Co » ne cesse de développer de nouveaux produits d’épargnes solidaires et de multiplier les partenariats avec divers organismes, associations et ONG. Mais le crédit coopératif est aussi une banque ordinaire avec tous ce qui va avec.

Notre  coup de cœur va cependant à la NEF, « LA NOUVELLE  ECONOMIE FRATERNELLE » est une coopérative financière qui ne distribue que des produits financiers solidaires, et ne finance que des projets qui vont dans ce sens. Elle n’a, à ce jour, aucune activité sur les marchés financiers.

La Nef et d’autres organismes ou coopératives financières du même type dans toute l’Europe travaillent sur un projet de banque solidaire européenne qui, on l’espère, verra le jour très prochainement.

Nous l’avons vu, il est aujourd’hui possible de donner un réel sens à son épargne, qu’il soit modeste ou conséquent. Il y  a de quoi contenter toutes les ambitions solidaires.  De ceux qui veulent faire un petit placement engagé et désintéressé, à ceux qui souhaitent  investir des sommes conséquentes avec un retour sur investissement. Il y a là de quoi faire un test, voir si ça fonctionne, si ça correspond à nos aspirations et puis envisager peut être des choses sur le long terme.

Nous espérons vous avoir donné l’envie d’épargner utile, d’épargner solidaire.

(1)- Dictionnaire économique et social, Edition Hatier, 1993

(2)-  tiré du site du label Finansol.

(3) – voir l’article de Reuters : http://fr.reuters.com/article/businessNews/idFRKBN0C302320140312

(4)- voir loi de modernisation de l’économie sur Legifrance.fr

Ressources ayants servis à construire cet article, pour vous permettre d’aller plus loin.

Thèse Doctorale « Finance Solidaire un  système de relation de Financement » -2011- Amélie Artis, Maitre de conférences à Science Po Grenoble.

L’épargne solidaire pour les nuls, Eric Larpin, edition First, 2011.

« Sur les chantier de l’économie solidaire » -Philippe Baqué, Le monde diplomatique  septembre 2014.

Documentaire : « La banque qui veut prêter plus »  Un film de Valérie Denesle 2012 – France

Documentaire : « Moi, La finance et le développement durable »  un film de  Jocelyne Lemaire Darnaud, 2010.