Le Développement Durable et le BIO
L’alimentation est l’un des besoins primaires des êtres humains, le rez-de-chaussée même de la pyramide de MASLOW. On pourrait croire alors, que le monde avec ses évolutions vertigineuses et successives, a depuis longtemps su répondre à ce besoin essentiel où que ce soit sur la planète.
Le moins que l’on puisse dire est qu’il n’en est rien. Face à la croissance démographique mondiale amorcée au 19ème siècle, à la deuxième révolution industrielle et à l’urbanisation accélérée, les modes de consommations ont subi une mutation sans précédent, voyant le modèle de l’agriculture industrielle se généraliser, l’apparition des marques et des réseaux de distribution.
La demande extrêmement forte d’après-guerre a poussé les industriels de l’agroalimentaire à aller toujours plus loin dans la quête de la productivité et de rentabilité. Culture intensive, déforestation, généralisation de l’utilisation de produits chimiques de la production à la transformation, spéculations sur les denrées etc.
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Si ces évolutions ont permis sans équivoque de faciliter l’accès des populations occidentales à une alimentation variée et bon marché, elles se sont fait au détriment d’une agriculture paysanne dans les pays occidentaux comme ceux du sud, avec une pression énorme sur les petits producteurs qui ont dû se plier aux exigences toujours plus contraignantes des acteurs de la grande distribution.
Ainsi, deux exploitations agricoles disparaissent en France toutes les heures1, en Inde on a assisté ces dernières années aux suicides de paysans étranglés par les dettes contractées pour les semences et les produits chimiques.
Ces évolutions du secteur agroalimentaire se sont faites également au détriment de la nature, avec la culture intensive de variétés limitées d’aliments, provoquant appauvrissement des sols, déforestation, disparition accélérée d’espèces animales et de milliers voir de millions d’espèces végétales comestibles2.
Par ailleurs, l’industrie agroalimentaire a une grosse responsabilité quant à l’épuisement des ressources en eau de la planète et l’émission des gaz à effets de serre. Pour vérifier ce dernier point, il n’y a qu’à voir le nombre de camions sur nos autoroutes chaque jour, transportant des tomates d’Espagne ou des asperges d’Argentine.
Cela ne s’arrête pas la ! La santé des être humains qui consomment tous ces produits est elle aussi mise à mal. Obésité galopante, courbe croissante des cas de cancers, malformations et difficultés de procréation, les études qui font le lien entre ce que nous mangeons et ces maladies pullulent3.
C’est de ces constats qu’a émergé l’idée d’une agriculture plus respectueuse de l’environnement, produisant une alimentation saine, permettant aux producteurs de vivre dignement, et vendue à un prix juste.
Une agriculture sans produits chimiques, privilégiant le rythme naturel des cultures, un élevage en plein air veillant au bien-être des animaux, les circuits courts, l’interdiction d’utiliser les OGM, et avec le moins d’intermédiaires possible entre le producteur et le consommateur.
Ce modèle est représenté en France par le label AB, maintenant bien connu des consommateurs, reposant sur un cahier des charges qui conditionne son obtention. Un organisme de certification « ECOCERT » valide pour un an la certification et contrôle le respect du cahier des charges.
Pour les produits alimentaires (ou non) venant de l’étranger en particulier des pays du sud, c’est la notion de « commerce équitable » qui prime. Cette notion repose en grande partie sur les mêmes règles que le label BIO, mais met en plus l’accent sur la juste rémunération des petits producteurs, la réduction des intermédiaires entre le producteur et le consommateur et les actions de développement local.
Et le Bio aujourd’hui ?
Il faut le dire, l’idée de base du BIO est séduisante et à permis d’espérer une vraie révolution dans nos modes d’accès à l’alimentation. Aujourd’hui en 2013, cette idée a fait du chemin, souvent semé d’embuches, elle à gagné des batailles, elle en a perdu d’autres, mais la guerre n’est pas finie, bien au contraire.
En effet, le bilan s’il faut en faire un, est plus que mitigé. Dans les faits, le Bio est un vrai succès ! Il n’y a qu’à voir l’apparition des enseignes alimentaires estampillées BIO et COMMERCE EQUITABLE.
BIONUTIZ, EAU VIVE, NATURALIA, BIOCOOP etc… Autant d’enseignes calquées sur le modèle des magasins ordinaires, avec des milliers de références dites « Bio ».
Le secteur du BIO aujourd’hui est un secteur porteur ! Tellement porteur que l’offre est inférieure à la demande4. Le monde des affaires a vite intégré cette donnée et compte bien profiter de la manne que représente l’engouement pour ces produits à forte valeur durable.
Le loup dans la bergerie ?
Le BIO s’invite aussi dans les enseignes phares de la grande distribution. CARREFOUR, MONOPRIX, AUCHAN, CASINO et tous les autres ont aujourd’hui leur propre marque de BIO.
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Ces marques qui se multiplient s’accompagnent de nouveaux labels initiés et contrôlés par les distributeurs eux-mêmes. Les labels des distributeurs n’ont souvent aucun rapport avec le label national. Ce dernier étant plus restrictif, lancer son propre label est une façon de le contourner et de créer la confusion dans l’esprit du consommateur.
La confusion s’amplifie par le fait que les produits BIO vendus par la grande distribution comme dans les magasins BIO, même s’ils sont issus de cultures sans produits chimiques, découlent d’une agriculture intensive, venant souvent de pays étrangers, sans aucune visibilité sur la façon dont sont traités ceux qui ont produit les denrées.
C’est là que le caractère durable du BIO est mis à mal car on ferme les yeux sur son aspect social; son aspect environnemental est biaisé par toute l’énergie fossile utilisée pour le produire et le transporter jusqu’à nos étales, ne reste plus que son aspect économique qui l’inscrit dans une logique exclusivement financière. Dans ces conditions, il prend petit à petit le même chemin que son grand frère de l’agro-industrie conventionnelle et devient ce que l’on appelle le BIO industriel.
Un BIO industriel porté par un BIO business et une BIO industrie qui n’ont plus rien à voir avec l’idée née à la fin des années soixante et portée par des syndicat de paysans et petits producteurs comme la Fédération internationale des mouvements d’agriculture biologique (Ifoam).
Ce BIO business est également renforcé par des décisions politiques comme celles de l’Union Européenne qui dans un souci d’harmonisation des labels, a revu à la baisse les exigences pour accorder l’appellation BIO, via un label européen, envisageant même la possibilité qu’il y ait dans des produits dits BIO 0.9% d’OGM.
Un non-sens évident, qui malgré l’opposition du parlement européen a été adopté par la commission. Que l’on se rassure, ce n’est pas de la paranoïa de voir derrière toutes ces mutations du BIO la mainmise des firmes multinationales de la chimie et de l’agroalimentaire qui œuvrent pour s’accaparer le marché.
L’autre problème est que certains de ces produits BIO industriels très critiqués comme les fraises BIO d’Espagne5 sont certifiés « agriculture biologique » et ont donc eu l’agrément de l’organisme ECOCERT.
Sauf que l’on se rend compte en se penchant un peu sur l’organisme ECOCERT, que tout n’est pas vert !
Condamnation pour harcèlement moral de salarié6, ambiance délétère, et grosses irrégularités dans l’attribution de certaines certifications7, on est en droit de se demander si un organisme où tout ne tourne pas rond et dont la santé financière dépend directement des entreprises qu’elle certifie, a bien les mains libres pour faire le travail sans se compromettre.
Alors comment manger responsable ?
Ne sommes-nous pas cernés ? Si même les magasins BIO ne sont plus dignes de confiance, comment pouvons-nous être des CONSOM’ACTEURS ? La question vaut la peine d’être posée, et heureusement il existe des réponses.
Que l’on se rassure le BIO qui concerne les fruits et légumes produits en France quel que soit le label est malgré tout beaucoup plus sain sur tout les plan que n’importe quel fruit ou légume conventionnel. aujourd’hui en france on peut manger 100% de fruit et légume bien BIO.
Quant au produit transformés, il n’est bien sûr pas possible aujourd’hui de garantir une alimentation à 100% responsable mais à coté du BIO, beaucoup de marques font des efforts considérables pour rendre leurs produits responsables.
Elles aussi ont compris l’intérêt que le consommateur porte aujourd’hui à cet aspect avec pour principaux points la santé, l’environnement, la responsabilité sociale et le prix.
Tour d’horizon des initiatives
De nombreuses initiatives nationales et locales sont mises en place pour aider le consommateur à faire son choix et l’accompagner dans sa démarche de consommation responsable.
Initiatives nationales
L’une des plus remarquables est NOTEO, site internet qui évalue 45000 produits de consommation avec en plus une application pour Smartphone permettant de scanner un produit et d’avoir une évaluation faite par des experts en nutrition, toxicologie, environnement et responsabilité sociale. L’association NOTEO est composée d’experts indépendants sans lien avec les marques qu’ils évaluent. C’est un vrai moyen de voir un peu plus clair dans la jungle de produits que nous propose la grande distribution. Mieux ! On a parfois la surprise avec cette application de se rendre compte que certains produits conventionnels se retrouvent mieux notés que leurs homologues BIO.
Malgré le flou qui règne dans l’univers des labels BIO, tous ne sont pas à mettre dans le même lot. Au moins un label comme « BIO COHERENCE » de la FNAB (Fédération Nationale de l’Agriculture Biologique) est digne de confiance car il repose sur un cahier des charges plus strict encore que le label national AB, exigeant 100% de produits issus de l’agriculture biologique (contre 95% pour le label AB) et revenant à des principes des origines du BIO adopté par l’IFOAM en 1972. Ce label est donc l’un des seuls qui de par le caractère restrictif de son propre cahier des charges intègre les deux autres : européen et national.
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Initiatives locales
Par ailleurs pour la consommation de fruits et légumes, les AMAP (Association pour le Maintien d’une Agriculture Paysanne) ont une forte implantation aujourd’hui sur le territoire français et sont une vraie alternative aux fruits et légumes des magasins. Il s’agit de mettre en relation de façon directe des petits producteurs locaux avec les consommateurs des zones urbaines. La règle est bien souvent simple, on s’inscrit à une AMAP à proximité de chez soi, et avec une participation mensuelle moyenne de 25 euro, on reçoit un panier de fruits et légumes toutes les semaines.
Une cartographie des AMAP de Rhône-Alpes est disponible sur le site : AMAP RHONE ALPES
Les jardins collectifs sont souvent vus comme un phénomène de mode ou une lubie des extrémistes du BIO, pourtant de plus en plus de villes se convertissent à cette façon de partager un espace pour produire fruits et légumes destinés à la consommation des participants.
Il y en a plusieurs dans la région Rhône-Alpes, listés dans « ANNUAIRE DES JARDINS COLLECTIFS »
Il existe aussi des sites internet et/ou associations qui regroupent les demandes de consommateurs et font des achats groupés directement au producteur.
Initiatives individuelles
Au-delà de la démarche qui consiste à se demander ce qui est mis à notre disposition pour nous aider à faire des choix éclairés, il y a notre comportement et nos petites initiatives individuelles. S’assurer que l’on achète bien ce dont on a besoin est déjà une façon d’éviter de consommer n’importe quoi, de créer une demande supplémentaire qui va forcément stimuler l’offre.
Au-delà du BIO, accepter de mettre quelques euro en plus pour une nourriture produite à proximité ou sur le territoire national, manger une majorité de fruits et légumes de saison et faire son propre MIX ALIMENTAIRE RESPONSABLE est nécessaire pour faire bouger les choses.
La notion de mix alimentaire responsable intègre l’idée qu’il est impossible de remplir son caddie avec uniquement des produits qui ont poussé ou qui ont été transformés localement. Partant de la, il faut diversifier le plus possible les sources de son alimentation. Produit local avec les AMAP, vrai Bio avec les Labels dignes de confiance et transparents, marques nationales ou MDD qui font de vrais efforts.
Le Bio est une avancée c’est sur mais le consommateur l’as laissé entre les mains de l’agro industrie qui lui à appliqué les seules recettes qu’elle connais. Pour avoir de nouveau la main sur ce que nous mangeons BIO ou pas, Il faut trouver un équilibre entre les produits venant d’ailleurs et les produits locaux ou nationaux, les produit transformés avec une éthique sans tâche et ceux qui se donne du mal pour avancer vers des démarches plus responsables. le bio à tout prix mène à l’impasse comme consommer sans se poser de question.
Il s’agit donc pour le consommateur devenu consomm’acteur de passer du réflexe des labels et des organismes de certifications à une démarche de vigilance de construction de son propre schéma de consommation sans faire confiance aveuglément.
Les marques observent nos habitudes et nos exigences de façon plus précise que nous ne le pensons. n’hésitons pas à choisir un produit qui sans être irréprochable est moins nocif pour la santé, moins dommageable pour l’environnement, pas socialement aberrant, et vendu au juste prix. Alors, les marques le comprendrons et évoluerons.
En somme, donner un vrai sens au pouvoir individuel que nous avons en tant que consommateur.
Voila le seul moyen de convertir notre alimentation au développement durable.
Appeler cet article « le développement durable et le BIO » était un prétexte pour balayer ce sujet très vaste qu’est le marché de l’alimentation, où l’une est dite responsable et l’autre conventionnelle, mais dans lesquelles les pistes se brouillent et où l’on ne sait qui est qui.
J’espère qu’il aidera quelques uns à y voir plus clair et à se rendre compte que malgré tout il existe des moyens de consommer de façon responsable en s’impliquant un peu.
D’autres articles sur le même thème viendront, des sujets comme la viande et le poisson, le commerce équitable et la consommation en général.
1- Source Insee. 2- Source RFI. 3- étude DG SANGO. 4- Novethic. 5- dangersalimentaires.com. 6- Source Collectif Ecocert. 7- Source Bastamag qui reprend le cas d’une productrice de gelée royale Bio certifié par ECOCERT condamné pour tromperie. MDD- Marques De Distributeur
Pour aller plus loin sur le sujet :
Calendrier des fruits et légumes de saison
Ouvrage « Achetons Responsable » d’Elisabeth LAVILLE ET Marie BALMAIN. édition seuil.
Article de presse : « florissante industrie de l’agriculture biologique » philippe Baqué dans le monde diplomatique de juin 2011.
Voir aussi « Bio, entre business et projet de société » du même auteur.
« L’agriculture BIO à la croisé des chemins » Régis Poulet sur le site « la revue des Ressources.org » le 8 octobre 2012.
Publié le novembre 22, 2013, dans Ecologie, et tagué agriculture biologique, bio, développement durable, ecocert, label bio. Bookmarquez ce permalien. 1 Commentaire.
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