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ANDRÉ GORZ-PERSONNALITÉ DD #6

ggorz_bbL’une des  premières personnalités dont nous avons parlé sur le billetdd est René Dumont, premier personnage à avoir  représenté le courant de l’écologie politique en France, entre autre  par sa candidature à la présidentielle de 1974.

Nous le savons, il n’y a pas (ou il ne devrait pas y avoir)  de politique sans idéologie, sans pensée qui la sous tende.

La personnalité dont nous souhaitons parler cette fois ci fait partie de ceux qui ont fortement contribué à construire cette pensée écologiste, et donné par ce biais de la consistance et de la pertinence à l’idée d’une société qui se construit  pour une réelle émancipation de l’humain, c’est-à-dire vivre mieux, en consommant et travaillant moins et/ou autrement.

Notre personnalité DD de ce billet est ANDRE GORZ

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PENSEUR DE L’ECOLOGIE

André Gorz,  est né Gerhart Hirsch à Vienne en Autriche, le 09 Février 1923.

Fils d’un commerçant et d’une secrétaire,  il quitte son pays natal après l’annexion de l’Autriche par l’Allemagne pour la Suisse et y poursuit des études à  l’école d’ingénieur de Lausanne.  Diplômé en chimie en 1945, il se lance dans la vie active comme traducteur, et nourrit un intérêt pour la philosophie et la phénoménologie.

C’est dans l’existentialisme de Jean Paul Sartre que se forge la formation philosophique d’André Gorz des débuts, il publie  quelques articles dans des journaux coopératifs, puis déménage pour Paris où il travaille un temps au sein de l’association « citoyens du monde », avant d’entrer au journal « l’express » comme journaliste économique.

C’est à partir de là que l’œuvre d’André Gorz prend forme, laissant entrevoir déjà,  le critique acerbe du capitalisme libéral et le théoricien de l’écologie politique qu’il va devenir.

UNE OEUVRE DÉDIÉE A LA LIBÉRATION DE TOUTES LES SPHÈRES DE LA VIE

Son premier livre, « le traitre » est une introspective  qui de prime abord n’a rien à voir avec ce qui va devenir son combat, pourtant c’est  un élément central de la pensée d’andré gorz, exister par soi-même, en tant que sujet, « poursuivre le libre épanouissement de son individualité comme une fin, commune à tous les sujets »*(1) c’est de la que tout part et que tout aboutit.

André Gorz va nouer des rapports privilégiés avec Jean Paul Sartre et participer à certains travaux du philosophe, qui le fait découvrir au public.

La suite de son œuvre oscille entre philosophie, critique sociale et théorie écologiste.

On lui doit des ouvrages capitaux comme :

Critique du capitalisme quotidien (1973) Ecologie et politique (1975) Capitalisme, socialisme, écologie (1991). Des analyses fines et objectives du système de développement dominant, ses dérives, ses pièges et les alternatives possibles.

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Toutes les œuvres d’André Gorz s’évertuent à nous montrer comment dit-il « nous sommes dominés dans notre travail, dans nos besoins et nos désirs, nos pensées et l’image que nous avons de nous-mêmes » C’est par cette démonstration que le penseur arrive à la critique du modèle de consommation opulent, c’est par elle aussi, qu’il devient écologiste avant la lettre comme il l’aimait à le dire.

« En partant de la critique du capitalisme, on arrive donc immanquablement à l’écologie politique qui, avec son indispensable théorie critique des besoins, conduit en retour à approfondir et à radicaliser encore la critique du capitalisme. Je ne dirais donc pas qu’il y a une morale de l’écologie, mais plutôt que l’exigence éthique d’émancipation du sujet implique la critique théorique et pratique  du capitalisme, de laquelle l’écologie politique est une dimension essentielle.

Si tu pars en revanche  d’un impératif écologique, tu peux aussi bien arriver à un anticapitalisme radical qu’à un pétainisme vert, à un éco fascisme ou à un communautarisme naturaliste.

L’écologie n’a toute sa charge critique et éthique que si les dévastations de la terre, la destruction des bases naturelles de la vie sont comprises comme les conséquences d’un mode de production » *(2)

André Gorz donne ici à l’écologie une idéologie solide, certains diront une utopie, mais pour citer encore le penseur, « l’utopie  a pour fonction de nous donner par rapport à l’état de choses existant, le recul qui nous permette de juger ce que nous faisons à la lumière de ce que nous pourrions ou devrions faire »*(3)

Ainsi, l’écologie ne constitue pas une défense aveugle de la nature, ni un repli sur soi, ni une dictature de la morale, mais une recherche en toute circonstance, de l’émancipation des sujets, libérés de tout ce qui bride la nature humaine.

Mais lucide, André prévient : «  L’idée que production et consommation puissent être décidées à partir des besoins est politiquement subversive » *(4)

Cela laisse envisager la tâche immense que représente le combat  écologiste,

André Gorz s’est donné la mort le 24 septembre 2007, avec  sa compagne Dorine gravement malade, à qui il a consacré son dernier ouvrage, « Lettre à D ». Il s’éteint seulement quelques mois avant la crise économique mondiale que nous n’avons pas encore complètement traversée, crise qu’il avait dans des articles prémonitoires, annoncé.

Il nous a laissé un héritage colossal ! On peut regretter que  les partis écologiste Français ne puissent pas s’enorgueillir et puiser dans ses idées pour construire des projets  pour une écologie pratique et politique digne de ce nom.

Honneur à la mémoire de ce grand homme, très peu connu dans notre pays..

*(1) – André Gorz  – interview réalisée par Marc Robert et paru dans Ecorev, N° 21 en 2005.
*(2) – André Gorz  – interview réalisée par Marc Robert et paru dans Ecorev, N° 21 en 2005.
*(3) – André Gorz  – Misères du présent, richesse du possible. Editions Galilée 1999.
*(4) – André Gorz – Ecologica Editions Galilée 2008.

POUR ALLER  PLUS LOIN :

Un magnifique blog consacré à l’œuvre d’André Gorz : Perspectives Gorzienne

Ecologica –Edition Galilée 2008.  Dernière œuvre d’André Gorz, parue après sa mort, compilant plusieurs articles du penseur.

De nombreuses vidéos d’interview d’André Gorz sont disponible sur Youtube.

L’oeuvre complète, bien que de plus en plus rare reste le meilleur moyen de comprendre la pensée d’André  Gorz.

 

PERSONNALITÉ DU DÉVELOPPEMENT DURABLE#5 VANDANA SHIVA

Voici venu le temps de présenter une nouvelle personnalité du développement durable, sur le « wall of fame » du billetDD, où penseurs, scientifiques, activistes ou personnages politique qui œuvrent par leurs actions, à l’émergence d’une société plus écologique et un développement soutenable trouvent place.

La personnalité aujourd’hui est VANDANA SHIVA.

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Vandana Shiva , née le 5 novembre 1952 à Dehradun dans l’état de l’Uttarakhand est une intellectuelle indienne, docteur en philosophie, écrivain, également formée  en physique quantique.  Elle est probablement l’une des écologistes les plus connues dans le monde, donnant des conférences, participant à des documentaires, intervenant au sein des organisations intergouvernementales à des groupes de travail sur diverses questions de développement, notamment concernant les pays du sud.

COMBAT POUR LA BIODIVERSITÉ 

Le cheval de bataille principal de Vandana est la protection de l’environnement, de la biodiversité et le développement de pratiques écologique, alternative au « tout industriel » dans le domaine de l’agriculture, dont le défi n’est rien de moins que de nourrir la population planétaire qui ne cesse de s’accroître.

Ce combat l’a amené à prendre des positions fortes et parfois qualifiées de « radicales » envers l’industrie agro-industrielle de façon générale, et les entreprises de produits phytosanitaires et/ou de biotechnologies agricoles en particulier.

Ainsi, Vandana shiva  s’est fait connaitre surtout à travers son opposition aux OGM (organismes génétiquement modifiés). Dans cette dynamique, elle a crée un centre de recherche et de formation sur la biodiversité et l’agroécologie nommé NAVDANYA. Cette structure permet de mener différents projets d’expérimentation et de mise en œuvre de solutions écologiques aux problèmes rencontrés par les agriculteurs, et mène des études sur les conséquences sociales, environnementales et sanitaires de l’utilisation massive de pesticides chimiques, des semences OGM, et de la biopiraterie*.

En termes de solution, Vandana shiva à travers NAVDANYA  a développé un réseau de collecte, de préservation et de redistribution de semences sur tout le territoire indien loin du grand marché organisé par les multinationales.

Une qualité qu’il faut reconnaître à Vandana est sa capacité à  expliciter les mécanismes qui dans nos modèles de développement desservent l’intérêt collectif.

C’est probablement cette qualité qui explique les nombreuses conférences qu’elle est invitée à donner à travers le monde.

Cette aptitude s’est illustrée dans la bataille qu’elle a mené contre la catastrophe du suicide des paysans indiens, acculés par les conséquences négatives de la « révolution verte » entamé dans les années soixante. En effet si cette politique d’intensification des cultures à permis à l’inde de devenir auto suffisant, voir exportateur de denrées comme le blé, elle à aussi entraîné une utilisation massive de produit chimique et un endettement des paysans. Ces derniers se retrouvant endettés, avec des terres devenue improductives ne trouvent pas d’autres moyens que de se donner la mort, souvent avec les pesticides destinés aux plantes.

 AVEC LA POPULARITÉ, LES CRITIQUES 

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On a vu paraître quelques critiques sur la légitimité de Vandana Shiva, la véracité de ses arguments, ou  les parallèles qu’elle peut faire parfois pour illustrer son propos.

Le célèbre journal « New Yorker » a publié en Aout 2014 un article du journaliste Michel Specter mettant en avant ce qu’il appelle « les doutes » sur l’écologiste indienne. Ces « doutes » portent sur le flou supposé entretenu par l’intéressée sur son diplômes en physique, (licence ? maîtrise ? doctorat ?) ou encore sur les fortes sommes demandées pour ses conférences, ou encore le fait d’avoir comparé la culture d’OGM à un viol.

Le blogueur français Yann  Kindo reprend ces accusations sur son blog et enrichit l’argumentation de specter.

Rappelons que Vandana Shiva a répondu point par point aux accusations dans une lettre publiée sur son site ICI.

Une chose est sûre,  c’est que Madame Shiva pose les bonnes questions sur des problématiques écologiques, sociales et économiques qui concernent la planète entière.  Elle propose et met en œuvre des solutions dont on peut mesurer les résultats, et ses diplômes, les montants demandés pour ses conférences n’impactent en rien son expérience de plus de trente ans das le domaine, il n’y a pas la non plus d’après les informations avancées par ses critiques, de véritable question d’éthique ou de conflits d’intérêts.

Les prix qui lui ont été décernés :

Prix Nobel alternatif en 1993, « pour avoir placé les femmes et l’écologie au cœur du discours sur le développement moderne »

Grand Prix de la culture asiatique de Fukuoka en 2012.

Les combats de cette grande dame sont nombreux et du haut de ses soixante-deux ans, elle ne semble pas sujette à la fatigue. Tant mieux pour nous, et pour la planète, on espère qu’elle continuera à marteler ses messages et qu’elle inspirera d’autres « écoféministe »

ALLER PLUS LOIN :

  • Lionel Astruc ( 2014) Vandana Shiva, Pour une désobéissance créatrice , Domaine du possible, Acte Sud.
  • Vandana Shiva, victoires d’une Indienne contre le pillage de la biodiversité, éd. Terre Vivante, 2011.
  • Ecoféminisme (1993) avec Maria Mies
  • Vandana Shiva, Ethique et agro-industrie. Main basse sur la vie, L’Harmattan,‎ 1996

* biopiraterie : appropriation illégitime des ressources de la biodiversité et des connaissances traditionnelles autochtones qui peuvent y être associées